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Qu’est-ce que l’âgisme et comment impacte-t-il la vie de nos seniors ?

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Il faut vieillir ou mourir jeune. Cette phrase est forte en sens. D’un côté un drame, mourir jeune, de l’autre une évolution naturelle : vieillir. Fort heureusement dans nos sociétés occidentales, le progrès médical et sanitaire fait qu’aujourd’hui le vieillissement est une chance donnée à tous. Et quand cela n’est plus le cas les journaux en font leurs premières pages. Ainsi, dans cette période troublée par le COVID-19, le triste décompte quotidien des décès enregistrés a parfois des accents un peu plus alarmants quand les victimes étaient des personnes « jeunes ».

Et les paradoxes liés à l’âge sont nombreux. Par exemple l’expression « vieillissement de la population » si fréquemment employée par nos démographes est chargée de connotations négatives, comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des plus jeunes. Pourtant, accroître l’espérance de vie a de tout temps été l’un des combats majeurs du genre humain.

Par ailleurs, l’Homme oublie vite. Notre monde actuel, celui du 21e siècle, celui de la transition numérique, de la prise de conscience écologique et environnementale, ce monde-là dont nous sommes si fiers a été bâti il y a des dizaines d’années par les seniors d’aujourd’hui. Et les personnes actives d’aujourd’hui construisent le monde de leurs enfants. Eux aussi vieilliront, c’est tout ce qu’on peut leur souhaiter.

Pourtant les personnes âgées tendent à devenir invisibles aux yeux d’une société basée sur des critères instantanés et sur la sacro-sainte notion de « performance ». Et pire même que l’oubli et l’indifférence, les seniors peuvent parfois être victimes de discrimination.

L’âgisme : origine et définition

Le terme « âgisme » a été employé pour la première fois en 1969 par le docteur Robert Butler, gérontologue américain, pour décrire la tendance à considérer les seniors comme différents du reste de la population « normale » et à les traiter de manière négative. La « normalité » : vaste débat…

Aujourd’hui, tout comme « racisme » et « sexisme », « âgisme » fait partie du dictionnaire. La définition du Larousse est la suivante : « attitude de discrimination ou de ségrégation à l’encontre des personnes âgées ».

Les méfaits de l’âgisme et ses impacts négatifs sur la vie des seniors

Certaines idées sont universelles et intemporelles. Cela a longtemps été le cas de la suivante : il faut apprendre de l’Histoire, ne pas reproduire les mêmes erreurs, considérer l’expérience comme une chance et un savoir acquis par l’Homme qui doit être transmis pour continuer sur la voie du progrès. Il n’y a pas si longtemps en France, « sagesse » rimait avec « vieillesse ». Les personnes âgées étaient écoutées, on venait les consulter. Ce n’est plus le cas dans notre société. Et c’est là le premier méfait de l’âgisme, un risque encouru par tous, celui de la perte de la mémoire et de l’acquis collectif.

Outre ce danger de régression qui menace toutes les générations, l’âgisme impacte négativement et de manière spécifique la vie des seniors. Ainsi, dans son rapport « Réussir la transition démographique et lutter contre l’âgisme » réalisé à la demande de l’ex-premier ministre Edouard Philippe, la députée Audrey Dufeu Schubert a recueilli de nombreux témoignages. La conclusion en est claire et alarmante : dans tous les secteurs et à tous les niveaux de notre société, les seniors peuvent être victimes de discrimination. Pas d’accès aux crédits à la consommation, obstacles sans fins à la location des logements, impossibilité de louer une voiture…les exemples sont nombreux. Le secteur bancaire notamment est montré du doigt : « Parfois certains m’ont fait part, malgré une trésorerie réelle, de se voir refuser l’accès à des services bancaires sans qu’aucune justification ou motif de refus ne soit avancé ».

Et l’actualité COVID-19 apporte aussi son lot de souffrances réservées aux seniors. Quoi que l’on pense des mesures mises en place, il est indéniable que la solitude et l’isolement ont plus violemment frappé cette frange de la population que les autres. L’infantilisation dont sont victimes les plus de 65 ans a sans doute été exacerbée par la situation COVID-19.

Un cadre légal et institutionnel

Devant l’âgisme et ses méfaits, les nations et les institutions se mobilisent maintenant depuis quelques années. En mars 2021 l’Organisation des Nations Unies (ONU) a publié un rapport dénonçant l’âgisme comme un fléau aux conséquences catastrophiques sur la santé mentale et physique des personnes âgées. Pour exemple, « on estime que 6,3 millions de cas de dépression dans le monde sont dus à l’âgisme ». Et, comme évoqué plus haut, les conséquences ne se limiteraient pas aux seuls seniors : d’après ce rapport de l’ONU l’âgisme couterait chaque année des milliards de dollars à travers le monde (frais médicaux, non-emploi des seniors etc.).

En France, le Code Pénal (chapitre V, « Des atteintes à la dignité des personnes ») retient l’âgisme comme un critère de discrimination au même titre que le sexe, l’état de santé, la situation économique, le handicap ou encore l’orientation sexuelle. Il n’en reste pas moins que, si ce cadre légal prévoyant d’éventuelles sanctions existe, la route est encore longue pour dépasser le stade de simple vœu pieux.

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