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Covid-19 : la cohabitation intergénérationnelle menacée ?

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La cohabitation intergénérationnelle solidaire est une forme de colocation entre un jeune, généralement étudiant, et une personne âgée. Cela n’est pas sans rappeler le film avec André Dussollier, lequel incarne un vieil homme amené à loger une jeune femme dans le besoin, dont la gaieté et la folle énergie vont venir bouleverser son quotidien de veuf solitaire et mélancolique. Bien que relevant de la fiction, l’histoire expose les avantages d’une telle cohabitation et tente de la présenter de façon aussi populaire que l’application de rencontre dont elle s’est inspirée pour son titre (Adopte un veuf – AdopteUnMec). La cohabitation intergénérationnelle semble toutefois compromise avec l’apparition du Covid-19, qui fait des seniors une population particulièrement exposée au coronavirus.

Les avantages de la cohabitation intergénérationnelle solidaire

Elle demeurait déjà ordinaire au Québec, dans les pays scandinaves, en Australie et en Espagne lorsque le principe a commencé à se développer en France en 2003, suite à la forte canicule. Son évolution a conduit les autorités publiques à instituer un contrat et une charte de « cohabitation intergénérationnelle solidaire », fondés sur la loi Elan du 23 novembre 2018 et un arrêté du 13 janvier 2020.

Ainsi, si la colocation entre une jeune personne et un senior est assurément avantageuse pour la personne âgée, elle n’en reste pas moins aussi intéressante pour l’étudiant.

Pour les seniors

Confrontées à des difficultés physiques et/ou psychiques causées par des pathologies ou la vieillesse elle-même, les personnes âgées peuvent facilement se retrouver en situation d’isolement. Selon une étude menée par l’association des Petits Frères des Pauvres en 2019, « 4,6 millions de Français de 60 ans et plus ressentent de la solitude et 3,2 millions de personnes âgées sont en risque d’isolement relationnel, c’est-à-dire qu’elles peuvent passer des journées entières sans parler à personne ».

Par ailleurs, nombre de seniors rejettent l’idée de s’établir en maison de retraite en raison des souvenirs attachés à leur domicile et du simple fait de se sentir chez eux avec tous leurs repères familiers et rassurants. Pourtant, certaines personnes âgées sont dans l’incapacité de rester chez elles sans risques pour leur sécurité (chutes, oubli du four…), et la présence continue d’une auxiliaire de vie est particulièrement coûteuse.

Une cohabitation avec une jeune personne apparaît donc comme une solution non négligeable pour le senior qui disposera ainsi d’une compagnie dynamique, propre à le stimuler du fait des nombreuses interactions sociales. Par ailleurs, la jeunesse elle-même sera porteuse de bien-être, en ce qu’elle représente le début de la vie, avec ses projets et ses espoirs pour l’avenir. La présence de l’étudiant apportera enfin une surveillance rapprochée, de sorte que toute difficulté rencontrée sera rapidement prise en charge et tout danger maîtrisable écarté.

Le jeune offrirait donc à la fois fraîcheur, maintien à domicile de la personne âgée et une relation sociale aussi riche qu’instructive (actualité, formation aux outils numériques…).

Pour les jeunes

Au-delà du marché de l’immobilier qui peut être particulièrement tendu suivant les villes, la plupart des étudiants disposent de ressources insuffisantes pour vivre et connaissent des situations précaires. Selon l’Observatoire nationale de la vie étudiante, en 2016, 22,7% des étudiants ont été confrontés à d’importantes difficultés financières dans l’année, quand une enquête de l’INSEE a rapporté que 20,8% se situaient sous le seuil de pauvreté la même année.

C’est pourquoi, aujourd’hui, il est proposé aux jeunes de moins de 30 ans un contrat par lequel ils ont la possibilité de vivre sous le même toit qu’une personne de plus de 60 ans, selon une contrepartie financière modeste et des « menus services ». L’arrêté du 13 janvier précise que les deux parties doivent être mues par les mêmes valeurs de respect et de solidarité, le jeune n’ayant jamais à « intervenir en substitution des professionnels d’aide et de soins à domicile ». Il bénéficie ainsi d’un logement à coût moindre, tout en échangeant avec une personne riche d’enseignements et d’expériences.

Ce procédé est toutefois fortement remis en question avec le Covid-19, particulièrement nuisible pour les seniors, et dont la propagation est difficilement maîtrisable.

Les freins causés par le coronavirus

Premières cibles du Covid-19, les personnes âgées rencontrent un isolement plus sévère encore : les visites des proches et de la famille se trouvent particulièrement réduites et les différentes cohabitations intergénérationnelles se disloquent par mesure de précaution. D’après une étude des Petits Frères des Pauvres, « 720.000 personnes âgées n’ont eu aucun contact avec leur famille pendant le confinement et 650.000 n’ont eu aucun confident ».

Par crainte d’être contaminés ou de contaminer, les binômes se séparent, et les étudiants retournent alors au sein de leur famille. La part des jeunes se proposant comme partie au contrat s’est considérablement réduite, tandis que la demande du côté des seniors a augmenté. Malgré le contexte sanitaire, cette cohabitation intergénérationnelle doit toutefois se maintenir pour le bien-être des seniors car la rupture du lien social nuit également à leur santé.

Le succès d’une telle entreprise dépend de la responsabilité de chacun, la conscience que protéger l’autre c’est notamment garder un mètre de distance, porter le masque chez soi et se laver systématiquement les mains en rentrant au domicile, après s’être mouché, s’être touché le nez, les yeux ou la bouche, ne pas s’embrasser, ni s’étreindre… Ce sont des gestes barrières, des gestes contraignants, mais c’est si peu de choses pour assurer l’équilibre de la personne âgée en période de coronavirus.

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